Vous envisagez le licenciement d’un salarié ? Attention au motif invoqué ! S’il n’est pas reconnu valable par le juge, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le salarié peut alors réintégrer son poste ou recevoir une indemnité versée par l’entreprise.
Le montant de cette indemnité est aujourd’hui fixé par le barème Macron. Issu des ordonnances de 2017, c’est une des mesures phares du précédent quinquennat en matière de droit du travail. Mais elle a entrainé plusieurs années de controverses et de résistance de la part de certaines juridictions.
Alors, que dit la loi en matière d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Comment fonctionne le barème Macron ? Quelle est la position actuelle de la jurisprudence quant à son application ?
Indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse : encadrement par le barème MACRON
L’ordonnance du 22 septembre 2017, qui met en place le barème Macron, modifie notablement les règles applicables en matière d’indemnisation du licenciement injustifié.
Quelle indemnisation avant 2017 ?
Jusqu’en 2017, les salariés dont le licenciement était jugé sans cause réelle et sérieuse avaient droit à une indemnité au moins égale aux 6 derniers mois de salaire. C’est la seule contrainte qui s’imposait aux conseillers prud’homaux et aux juges. Sous réserve de respecter ce plancher, les juridictions étaient donc libres de fixer le montant de l’indemnité en fonction du préjudice subi par le collaborateur.
Depuis 2017 : application du barème macron
Le barème Macron s’applique aux licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017. Il opère deux changements importants :
- La suppression du plancher de 6 mois minimum
- La mise en place de montants minimaux et maximaux, déterminés en fonction de l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise.
L’objectif de ce barème est de permettre aux entreprises de mieux anticiper les coûts du licenciement et, côté salarié, d’harmoniser les différentes indemnités perçues.
Il est transposé à l’article L1235-3 du code du travail :
Ancienneté du salarié* | Indemnité minimale** | Indemnité maximale** |
---|---|---|
0 | – | 1 |
1 |
1 |
2 |
2 | 3 0,5 (moins de 11 salariés) |
3,5 |
3 | 3 1 (moins de 11 salariés) |
4 |
4 | 3 1 (moins de 11 salariés) |
5 |
5 | 3 1,5 (moins de 11 salariés) |
6 |
6 | 3 1,5 (moins de 11 salariés) |
7 |
7 | 3 2 (moins de 11 salariés) |
8 |
8 | 3 2 (moins de 11 salariés) |
8 |
9 | 3 2,5 (moins de 11 salariés) |
9 |
10 | 3 2,5 (moins de 11 salariés) |
10 |
11 | 3 | 10,5 |
12 | 3 | 11 |
13 | 3 | 11,5 |
14 | 3 | 12 |
15 | 3 | 13 |
16 | 3 | 13,5 |
17 | 3 | 14 |
18 | 3 | 14,5 |
19 | 3 | 15 |
20 | 3 | 15,5 |
21 | 3 | 16 |
22 | 3 | 16,5 |
23 | 3 | 17 |
24 | 3 | 17,5 |
25 | 3 | 18 |
26 | 3 | 18,5 |
27 | 3 | 19 |
28 | 3 | 19,5 |
29 et + | 3 | 20 |
*Années complètes
**En mois de salaire brut
Application systématique ou non du barème Macron : un débat tranché par la cour de cassation en 2022
Si la légalité du barème ne fait pas l’objet de contestation (il a par ailleurs été validé par le conseil constitutionnel en 2018[1]), il fait l’objet de controverses quant à son application.
Remise en cause du barème Macron par certaines juridictions
La mise en place du barème Macron n’a pas fait l’unanimité au sein des juridictions. Certains conseils de prud’hommes et cours d’appel ont choisit d’en écarter l’application dans certains cas. Ces décisions sont notamment motivées par la nécessité d’établir une réparation appropriée au préjudice subi, ce qui ne serait pas toujours possible en appliquant strictement le barème.
Elles s’appuient également sur les conventions internationales, tel l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) qui prévoit que le travailleur licencié injustement doit recevoir une indemnisation « adéquate ».
Exemple de décision dans ce sens : Cour d’appel de Paris du 16 mars 2021 (n° 19/08721).
Validation du barème Macron par la Cour de cassation en 2022
Dans plusieurs arrêts du 11 mai 2022, la cour de cassation vient mettre un terme au débat (cass soc 11-05-2022 n°21-15.247 et n°21-14.490).
Elle considère que le barème Macron s’impose aux juges et qu’ils ne peuvent pas en écarter l’application en fonction de la situation personnelle des demandeurs.
Cette décision s’appuie sur les motivations suivantes :
- Une application au cas par cas porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi et entrainerait une insécurité juridique
- Le barème est compatible avec l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT :
- Le barème Macron ainsi que l’obligation de rembourser 6 mois d’allocations chômage en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sont des mécanismes suffisamment dissuasifs pour l’employeur
- Les règles d’indemnisation du droit français permettent une réparation adéquate du préjudice subi par le salarié (en particulier par le fait que les licenciements nuls sont exclus du barème).
- Dernier argument des demandeurs : le barème Macron serait contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne prévoyant le droit à une indemnité adéquate pour les employés licenciés sans motifs valables.
La cour de cassation rejette cet argument au motif que la charte n’a pas d’effet direct en droit français : les États doivent transposer dans leurs droits nationaux les objectifs qu’elle fixe. Les salariés, comme les juges, ne peuvent donc pas s’en prévaloir directement. De plus, son contrôle est confié au Comité européen des droits sociaux (CEDS) dont les décisions ne sont pas contraignantes.
Pour aller plus loin :
Le 26 septembre 2022, le CEDS a rendu public sa décision concernant deux réclamations portées par la CGT et FO. Ces syndicats demandaient au comité de déclarer le barème Macron contraire à l’article 24 de la charte en raison du plafonnement des indemnités.
Le comité leur donne raison et conclu à la violation de l’article 24b de la charte. Il estime notamment que le barème ne permet pas de dissuader l’employeur de licencier, les plafonds d’indemnisations lui permettant d’évaluer en avance le coût des licenciements.
Même s’il s’agit d’une décision non contraignante, des recommandations seront envoyées au gouvernement français. À suivre ?
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